Accouchement à domicile : le magnifique témoignage de Julie

16 Déc 2022

7 min
Après avoir opté pour l'accouchement à domicile deux fois, Julie nous livre son témoignage.
Fondatrice de la marque éthique Woolilie et maman de trois enfants de 8 ans, 2 ans et 4 mois, Julie a vécu un accouchement traditionnel et deux accouchements à domicile. Photo de Woolilie

Chaque année en France, près de 2 000 femmes accouchent à domicile (Association Apaad, 2019). Si cette pratique naturelle reste marginalisée, voire critiquée dans l’Hexagone, elle concerne quasiment 90 % des naissances dans le monde. Pour les femmes qui s’y adonnent, l’accouchement non assisté ou ANA, constitue un bon moyen de donner naissance au naturel. Après un premier accouchement traditionnel, hyper-médicalisé et infantilisant, Julie a fait le choix d’accoucher à son domicile, et à deux reprises. Une décision fort critiquée par certains, courageuse pour d’autres, évidente pour elle. Découvrons ensemble son magnifique témoignage…

” Le choix de l’accouchement à domicile s’est frayé un chemin petit à petit, à contre-courant de l’avis du corps médical ”

Quand j’y repense, je n’ai pas été particulièrement marquée par mon premier accouchement, ni en bien, ni en mal. Pourtant, j’estime ne pas avoir été respectée en tant que personne. À l’époque, je n’avais que 22 ans et je ne souhaitais pas de péridurale. Lorsque j’ai exprimé mon souhait au corps médical, on m’a ri au nez à plusieurs reprises. J’ai eu droit à de nombreux « faux » arguments, ainsi qu’à des « vous ne tiendrez jamais ». Bien sûr, je n’ai pris conscience que bien plus tard des mensonges que l’on m’a servis.. J’estime que le personnel médical a profité de ma crédulité pour simplifier au maximum son travail…

Pour mon second accouchement, j’ai souhaité vivre une expérience plus saine et épanouissante. Lorsque j’étais enceinte de mon fils, je n’arrêtais pas de faire le même rêve. Je me voyais accoucher sur le canapé, dans le salon. À ce moment-là, nous étions accompagnés par une doula. Je lui ai fait part de cette image et nous avons commencé à discuter de l’éventualité d’un accouchement express. Progressivement, nous avons étudié les différentes situations pouvant nécessiter une prise en charge urgente, et les bons gestes à adopter.

Au fil des discussions et après avoir dévoré plusieurs ouvrages, l’idée d’un accouchement à domicile a commencé à se frayer un chemin dans nos têtes. Finalement, c’est en rencontrant Michel Odent que nous avons fini de nous convaincre. Accueillir notre enfant chez nous n’était pas quelque chose de dangereux. Au contraire, c’était même la meilleure chose que l’on pouvait lui offrir et nous offrir. Alors que pour notre fils, l’idée est apparue progressivement, elle était évidente pour notre petite dernière !

” Pour vivre un accouchement à domicile, il est essentiel de bien se préparer, de se faire confiance et surtout, de se protéger ”

Lorsque l’on a décidé d’accueillir notre bébé à la maison, mon conjoint et moi avions quelques peurs et par mal de questions. Ces dernières concernaient surtout les éventuelles complications et la partie technique. Par exemple, mon chéri se demandait comment et quand couper le cordon ombilical. De mon côté, j’ai surtout appréhendé l’accouchement de notre petite dernière. Je pense que mes inquiétudes étaient principalement liées au contexte sanitaire puisque je suis tombée enceinte lors du premier confinement… Par ailleurs, j’ai été encore plus anxieuse lorsque j’ai appris que ma fille était en siège. En effet, cela remettait en cause l’accouchement à la maison.

Pour aller au bout de nos envies, nous avons dû nous préparer et nous renseigner au maximum. Les deux fois, nous avons choisi de nous faire accompagner par une doula. Pour mon fils, j’ai d’abord été suivie par une gynécologue en région bordelaise. Elle était adorable mais nous avions décidé de garder notre projet pour nous. Même nos proches n’ont pas été au courant à ce moment-là. Cela nous a permis de nous protéger de leurs éventuelles craintes.

Au contraire, pour ma fille, nous avons discuté de notre envie d’accouchement à domicile avec la sage-femme. Mais cette dernière s’est montrée très fermée à la discussion. Cela nous a poussés à en consulter une nouvelle. Pour ce qui est de notre entourage, nous avons eu droit aux fameuses questions : « Vous allez encore faire ça ? Mais vous n’avez pas peur ? ». C’était moins confortable pour nous et nous avons essayé de prendre du recul, et de rester dans notre bulle. Au bout du compte, nos proches se sont montrés impressionnés, particulièrement par le calme de mon conjoint ! Au début, cela m’a d’ailleurs beaucoup vexée ! Mais j’ai fini par comprendre : une femme qui accouche sans péridurale, ça peut arriver. Mais un homme non médecin qui réceptionne son bébé… c’est déjà plus rare !

En termes de préparation à l’accouchement, j’ai testé beaucoup de méthodes ! Pour mon fils, j’ai associé hypnose Ericksonienne, réflexologie plantaire, chiropraxie et yoga prénatal. J’ai également bénéficié du solide soutien de ma doula, ainsi que du groupe Facebook sur l’ANA (Accouchement Non Assisté). Avec du recul, si je devais donner un conseil à une future maman qui souhaite accoucher à domicile, ce serait de s’entourer des bonnes personnes, de bien s’informer et de se préparer au mieux.

” Après cette expérience bouleversante, je me sens à la fois plus forte et plus faible… C’est une découverte de la vie au sens vrai et pur du terme..

Pour mon premier ANA, tout s’est très bien déroulé. Le travail a commencé au beau milieu de la nuit. En me levant pour aller aux toilettes, je me suis rendue compte que j’avais perdu le bouchon muqueux. J’ai réveillé mon chéri pour le prévenir… Bizarrement, il venait de rêver d’un petit lionceau qui avançait vers lui avec le cordon ombilical qui pendouillait. Il savait donc que c’était le jour J. Je me souviens que la météo était spéciale : il y avait énormément de vent et les volets n’arrêtaient pas de claquer. Nous avons installé des bâches sur le sol de notre chambre, ainsi que dans le couloir qui menait aux toilettes.

Durant le travail, j’ai fait de nombreux allers-retours entre la chambre, la salle de bain et les WC. Avec la douleur, je n’arrivais pas du tout à m’allonger et je devais toujours être en mouvement. Pour la gérer, j’ai appliqué les conseils de ma doula, ainsi que ceux de Michel Odent : « bouche ouverte = col mou ». J’ai beaucoup verbalisé, j’ai chanté, fredonné, bougé, etc. Globalement, j’ai eu l’impression de très bien vivre mes contractions, jusqu’à ce fameux moment que l’on appelle « le cercle de feu ».

À partir de là, bébé a commencé à s’engager et clairement, j’ai cru que j’allais mourir ! J’avais lu énormément de livres qui parlaient de ce passage mais je pense qu’inconsciemment, je m’en étais protégée, car cela ne m’avait pas marqué ! Cet instant n’a duré qu’une demi-heure et pourtant, il m’a semblé une éternité ! J’étais envahie par la douleur, j’avoue qu’à ce moment-là, j’aurais apprécié une aide extérieure pour m’encourager et me rassurer… Heureusement, mon conjoint était très serein. Il a été parfait et m’a accompagné sans peur.

Au bout du compte, j’ai fini par ressentir une irrépressible envie de pousser. J’ai demandé à mon chéri s’il était prêt (j’avais peur qu’il ne rattrape pas bébé!) et une fois sa réponse affirmative en poche, j’ai simplement relâché, respiré et hop… mon fils est sorti comme une savonnette ! Il a vite été très réactif, a ouvert les yeux et a pris sa première tétée. J’ai eu un peu plus de difficultés à expulser le placenta mais nous savions que bébé allait très bien.

Pour l’accouchement à domicile de ma petite dernière, les choses ont été totalement différentes. D’une part, cela s’est passé en plein Covid, et d’autre part, j’avais dépassé mon terme… Nous avons donc dû nous rendre à la maternité à plusieurs reprises, afin de vérifier que tout se déroulait bien (pas de calcification excessive du placenta, suffisamment de liquide amniotique, etc.). Pour être honnête, nous y sommes vraiment allés à reculons, juste pour être dans les clous. On avait vraiment peur que l’équipe médicale nous impose un déclenchement et de devoir nous battre pour sortir de la maternité. Après le second contrôle, j’avais une tripotée de papiers à remplir pour la Sécu. Il était environ 15h, j’étais installée devant mon ordinateur à l’étage, quand j’ai commencé à ressentir les vraies contractions.

Avec mon chéri, nous avons demandé à une copine de récupérer les enfants à l’école et de les ramener chez nous. Comme nous avons la chance d’avoir deux petits logements indépendants, les petits ont pu être gardés par un couple d’amis dans l’autre maison. On était rassuré de savoir qu’ils étaient tranquilles à côté. Mon conjoint a commencé à organiser le salon pour l’accouchement : il a augmenté le chauffage, allumé un feu, installé des bâches, baissé les rideaux et apporté mon ballon. J’ai beaucoup ri quand il a déplacé le canapé et poussé l’amas de poussière qui se trouvait dessous avec son pied ! Ce petit fou rire m’a d’ailleurs aidé à faire passer une contraction beaucoup plus facilement !

Vers 20h, mon chéri est allé coucher les enfants et les contractions se sont fortement accentuées… À ce moment-là, je chantais, dansais, et gérais plutôt bien les contractions. Ma grande fille de 8 ans est revenue me faire un dernier bisou avant d’aller se coucher, et mon mari s’est installé près de moi. Les choses se sont accélérées rapidement et la douleur est devenue atroce…

À chaque contraction, j’avais l’impression que bébé faisait du saut à l’élastique dans mon utérus ! Très vite, je me suis retrouvée dans l’incapacité de bouger. Moi qui pensait avoir le rectum nettoyé, je me suis vidée sur place. À l’agonie, je me suis appuyée sur le dossier du canapé et j’ai poussé de toutes mes forces pour faire sortir bébé… pendant… 4h ! Heureusement pour nous, mon chéri s’est montré très encourageant, patient et courageux… Ma fille a finalement fini par pointer le bout de son nez, bien plus difficilement que son frère ! Moi qui avait l’impression d’avoir fait sortir un gros bébé, j’ai été déçue de constater à quel point elle était petite. Mais le principal était là : elle était en bonne santé et parmi nous !

” Serein, mon conjoint m’a accompagnée sans peur et m’a rassurée tout au long du travail ”

Franchement, l’accouchement à domicile a été une expérience incroyable et très intense. Heureusement, le papa a géré comme un pro ! Il m’a soutenu tout au long du travail et a été d’un incroyable réconfort. Mes aînés ont également été d’un grand soutien. Pour Léo, ma grande était chez son papi et n’a découvert son frère que plusieurs jours plus tard. Pour Emma, les deux ont dormi durant la phase de travail intense, ils ont fait leur nuit tranquillement et ont découvert leur sœur dans notre chambre, le lendemain matin. De leur côté, mes doulas et ma sage-femme ont été de vraies anges gardiens pour moi. Elles nous ont permis de vivre ce qui, pour nous, était essentiel : des naissances naturelles et respectées.

Après le second ANA, la sage-femme est passée faire une consultation à la maison quelques jours après et tout en douceur. Je l’avais prévenue que tout allait bien et que sa venue n’était pas urgente ! Finalement, la seule chose qui me fait un peu honte aujourd’hui, c’est d’avoir jeté le placenta à la poubelle la première fois ! Pour le second accouchement à la maison, j’ai fait une empreinte, je l’ai congelé et enterré dans le jardin aux 9 mois de ma fille. Si je devais donner un conseil à de futurs parents qui souhaitent se lancer dans l’aventure, ce serait de s’écouter, se faire confiance et éventuellement de voir un thérapeute bienveillant et ouvert avec qui échanger librement !

Julie est la fondatrice de la marque 100 % Made in France et écologique Woolilie, qui propose des couches lavables à base de laine vierge de moutons Mérinos français, bio et certifiée GOTS. Elle a vécu deux accouchements à domicile et un accouchement traditionnel. Merci à elle pour ce témoignage émouvant et intense.

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